Avec la réalisation du Grand viaduc de Millau, imaginé et conçu dans le courant des années 1990 par Michel Virlogeux et un groupement de bureaux d'études français, on comprend mieux les enjeux techniques et esthétiques qui entrent en compte dans la conception et la réalisation d'un ouvrage d'art, pont, viaduc, ou autre.
Viaduc de Millau
Les études d'exécution d'un ouvrage d'art prennent généralement plusieurs mois, voir plusieurs années. L'étude du viaduc de Millau a mobilisé la collaboration conjointe de 4 ingénieurs et 20 dessinateurs, pendant plus de deux années, pour respecter les délais impartis et permettre aux entreprises d'avancer dans la fabrication en atelier et sur le chantier.
Un ouvrage d'art routier franchis en pratique une brèche. Celle-ci peut être une route, une autoroute, un fleuve, une vallée...Le viaduc de Millau franchis la vallée du Tarn, 5 kilomètres à l'ouest de la ville de Millau, sur une brèche de plus de 2.500 mètres.
Le pont de Normandie est un pont à structure essentiellement béton et à haubans enjambant l'estuaire de la Seine, reliant le Havre (Seine-Maritime) rive droite au nord, à Honfleur (Calvados) rive gauche au sud.
Pont de Normandie
Le Golden Gate Bridge est un pont suspendu en acier de Californie qui traverse le Golden Gate, détroit qui correspond à la jonction entre la baie de San Francisco et l’océan Pacifique. Il relie ainsi la ville de San Francisco, située à la pointe nord de la péninsule de San Francisco à la ville de Sausalito, située à la pointe sud de la péninsule du Comté de Marin.
Le Golden Gate Bridge
Cinq classes de ponts sont définies selon leur structure : les ponts voûtés, les ponts à poutres, les ponts en arc, les ponts suspendus et les ponts haubanés. Le schéma statique peut être donc différent d'un ouvrage à l'autre, selon le matériau utilisé et la géométrie de la structure. Dans tous les cas, les charges de l'ouvrage, qu'elles soient propres à la structure ou de nature variables, comme par exemple le poids des véhicules et des piétons, descendent vers les points d'appuis que sont les fondations de l'ouvrage. Les différents éléments fonctionnels qui composent l'ouvrage sont dimensionnés en tenant compte des contraintes statiques et des efforts dynamiques engendrés par le vent. La résistance de la structure demeure une donnée fondamentale et prioritaire. L'esthétique de l'ouvrage est aussi retenue, car l'ouvrage d'art s'inscrit dans un environnement qu'il se doit d'épouser au mieux.
Un exemple célèbre de pont étudié uniquement d'un point de vue statique, sans tenir compte des effets dynamiques du vent sur la structure du tablier est le premier pont suspendu de Tacoma aux USA. Ce pont à été ouvert à la circulation le 1er juillet 1940. Quatre mois plus tard, le 7 novembre, il s'effondre. La vitesse du vent était d'environ 65 km/h. Et, des oscillations de grande amplitude en torsion sont apparues à 10 h, menant à la ruine du pont à 11 h 10. On a analysé et compris précisément les raisons de ce dysfonctionnement. On a écarté l'idée que l'amplitude des oscillation du tablier fût liée à un phénomène de résonance entre la fréquence de vibration de la structure et la fréquence des tourbillons qui engendrent une force aérodynamique périodique sur le tablier. En effet lorsque la fréquence de vibration des deux éléments est identique ou très proche, les mouvements du tablier sont amplifiés. Pour comprendre ce phénomène d'un point de vue pratique, on peut imaginer un enfant sur une balançoire. Cet enfant se balance avec une certaine période T correspondant à un aller-retour sur la balançoire. Maintenant, si une personne, debout derrière la balançoire applique un effort même léger sur le dos de l'enfant au moment précis où le mouvement de celui-ci termine une période, s'arrête pour repartir dans l'autre sens, alors son mouvement sera amplifié par le geste. Le mouvement de la personne qui applique l'effort entre en résonance avec le mouvement de balancement de l'enfant. Par contre, en appliquant le même effort sur le dos de l'enfant quand celui-ci est en plein mouvement, l'effort appliqué ne sera pas vraiment de nature à amplifier le mouvement de la balançoire. On dit qu'il y a un déphasage entre les deux mouvements.
Photo du pont de Tacoma effondré.
A noter à droite la présence d'une voiture sur le tablier
Dans le cas du pont de Tacoma, la fréquence de torsion du pont était de 0,2 Hz, tandis que celle des tourbillons était d’environ 1 Hz1. Soit une différence importante qui permet de dire qu'il n'y a pas eu de phénomène de résonance. Par contre, on sait que la déformation en torsion du tablier engendre une variation de l’angle d’incidence du vent. Ce changement d’incidence modifie l’écoulement du vent autour du tablier, qui en retour modifie le couple de torsion, et ainsi de suite, de sorte que le pont capte de l’énergie au vent à chaque fois qu’il oscille, et gagne ainsi en amplitudes.
La réalisation d'un ouvrage d'art de type pont ou viaduc respecte des étapes successives. Avant tous travaux, une étude géotechnique du site est fondamentale. Elle détermine le type de fondations, et l'ancrage des piles. Les piles, appuyées sur les fondations, au même titre que les culées servent à recevoir le tablier. Le tablier peut lui-même varier d'un ouvrage à l'autre, et dépend aussi de la portée d'un point d'appui à l'autre (portée). Il est d'usage d'utiliser des poutres béton ou acier, des dalles bétons, des caissons métalliques comme pour le viaduc de Millau. Depuis la deuxième guerre mondiale, et particulièrement en France, il a très souvent été construit des ponts à tabliers précontraints, ou à poutres précontraintes. Ce procédé permet de mettre et de maintenir dans le temps en compression le béton grâce à des câbles initialement tendus. Le tablier est capable dans ce cas de supporter des efforts plus conséquents et de franchir des portées bien plus grandes.
Pile du viaduc de Millau en construction
Le critère économique est un paramètre important. Aussi, l'étude du tablier et de sa mise en place tient-elle compte de ce critère. Le tablier béton peut-être coulé sur place, préfabriqué et installé in situ, par lançage comme dans le cas du viaduc de Millau. De même les poutres métalliques ou en béton sont généralement fabriqués en atelier puis acheminées sur le chantier par camions.
Caisson métallique composant le tablier du Viaduc de Millau
Une fois l'hyper-structure mise en place, la jonction est alors faite entre les deux rives. Il ne reste qu'à poser les joints d'étanchéité, de dilatation, et à couler le bitume. Les barrières de sécurité ont été installées préalablement. L'ouvrage d'art est enfin sécurisé et prêt à l'emploi! En sillonnant les routes, pendant les vacances, cet été, vous aurez sans doute l'occasion de franchir un tel ouvrage. En l'observant biens vous remarquerez à quel point un tel ouvrage peut être à la fois techniquement complexe et néanmoins esthétique visuellement. Il occupe alors pleinement sa fonction d'ouvrage d’Art" (. Aziz Loukili, le 27 juin 2011)